Visiter Auschwitz, la claque à 17 ans

Je suis sûre que vous en avez déjà visité des paysages de carte postale comme Punta Cana, qui vous ont envoûté, amouraché, ou encore émerveillé comme ce que j’ai ressenti aux chutes d’Iguaçu… Et sûrement que vous avez été déçu, énervé, voir même avez pleuré pendant un voyage. Mais avez-vous visité des endroits qui vous ont choqué ? Mis mal à l’aise? Traumatisé? C’est plus rare ce genre de visites… non ? J’ai été affectée en voyant la pauvreté au Brésil, mais être réellement choquée, je pense que ça ne m’est arrivée que cette fois-là, lorsque en voyage scolaire, on nous a fait visiter Auschwitz

visiter Auschwitz

Je n’aime pas trop parler de religion. J’ai appris à m’intéresser à l’histoire au fil de mes voyages, mais ce n’était vraiment pas l’une de mes disciplines préférées. Parler de la guerre, de conflit ou même de politique ne m’enchante pas non plus. Je ne suis pas juive. Je ne rentre jamais dans aucun de ces débats. Voilà le tableau. 

Mon lycée a “gagné” un concours de région: nous irons visiter Auschwitz en une journée, tous frais payés. Nous sommes le 1er décembre, et il fait très froid ce jour-là. Nous avons rendez-vous à 6h à l’aéroport. Je ne sais pas du tout ce qui m’attend. Et soyons honnêtes, nous avons 17/18 ans et on nous paye un voyage: 80% d’entre nous ne se soucient guère de la visite en elle-même. Y compris moi. Je vous l’ai dit l’histoire, pas du tout mon truc à l’époque.

Nous arrivons en Pologne, très tôt donc, on s’engouffre dans un car, je me rappelle avoir vu qu’il fait -1°. Je suis encore à moitié endormie. Mes camarades regardent les photos que j’ai sur mon appareil. Je viens d’avoir un chiot. Je le tends à un autre camarade qui nous rétorque “je ne pense pas que ça soit le moment de regarder ça”. 

Je ne parlerais quasiment plus de la journée ce jour-là. 

Nous passons ces portes où 1,1 million de personnes sont passés pour ne jamais en sortir. A peine entrés, nous sentons une ambiance lourde, le lieu est tellement chargé d’histoire, même moi je le comprends. Nous déambulons à l’extérieur et on nous explique l’arrivée par train, puis le “dispatche” de ces hommes, ces femmes, ces vieillards, ces enfants, et ces handicapés. 900000 ont été tués à peine arrivés. 

On nous explique plein de choses pendant la visite. Personne ne pose de question. C’est très clair. Ici ils “dormaient” entassés, là il faisait leurs besoins à heure fixe.

visiter Auschwitz

Le site est tellement grand. On passe devant un “lac”. Ça égaye un peu l’extérieur. Mais en fait non: les cendres y étaient jetées. 

visiter Auschwitz

Et puis les musées, où les objets ont été conservés. Je crois que c’est le pire… Toutes ces chaussures, petites et grandes, ces vêtements, ces prothèses, ces tétines, ce tas de cheveux… Toutes ces photos. Je ne sais pas pour vous, mais j’ai toujours du mal à me rendre compte de l’importance d’un chiffre quand celui-ci dépasse les dizaines de milliers. Mais En voyant la quantité de ces objets ces chiffres me frappent de plein fouet. Je me rends compte de l’ampleur du massacre. Tout est grand, tout est en dizaine de milliers.

visiter Auschwitz

Nous repartons en fin d’après-midi. Mes camarades en profitent pour acheter des cigarettes, coca entre autre pour l’avion, ici c’est “donné”.

Moi, et bien, je suis traumatisée. Moi qui ne m’intéresse pas à l’histoire, cette visite m’a glacé le sang. Je ne m’étais absolument pas préparé à cette journée et à ce qui allait m’arriver. Je me pose plein de question, pourquoi, comment est-ce possible… 1000 pensées traversent mon esprit, et je ne parle plus…

En écrivant cet article, je me suis demandé si une telle visite est adaptée pour des élèves de terminale. Je n’ai pas vraiment trouvé de réponse… Oui et non en fait… Oui, parce que cette partie de l’histoire est au programme du lycée, et qu’il faut voir ce lieu. 

Mais non, dans le sens où il ne faut pas envoyer des élèves qui ne sont pas préparé comme c’était notre cas… Je pense que notre professeur aurait dû nous expliquer les choses différemment, nous inviter à lire d’autres ouvrages, et ne pas s’en tenir à notre manuel scolaire. Oui nous allions visiter un lieu historique, une preuve de ce qui s’est passé, mais nous allions aussi visiter un lieu qui allait nous gêner, nous mettre mal à l’aise, nous choquer…

Qu’en pensez-vous ? 

N’hésitez pas à partager vos expériences, si vous avez visité Auschwitz ou autres…

Visiter Auschwitz : comment s’y rendre ?

En train ou en avion. Cette visite sera sûrement combinée à la visite de Cracovie. Et si vous allez à Cracovie pensez-y, ça serait dommage d’être à côté de ce lieu rempli d’histoire et de ne pas vous y arrêter…Une journée suffit.

Le site officiel, et si vous souhaitez voir un peu plus de photographies, voici trois galeries : ici,ici et .

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Annelehloo
Annelehloo
9 années il y a

J’ai moi même visité le camp de Buchenwald quand j’avais 15 ans. J’ai 38 ans aujourd’hui et j’ai encore du mal à mettre des mots sur ce que j’ai ressenti. Cela a changé beaucoup de choses en moi à ce moment là. Je ne pourrais jamais au grand jamais cautionner l’extrémisme et le racisme… Merci pour ton article

Véronique
9 années il y a

C’est évidemment bouleversant une telle visite car cette partie de l’histoire dépasse complètement l’entendement. Je pense cependant que c’est une visite tout à fait adaptée à des lycéens car c’est à cette âge que l’on commence à avoir ses propres idées, à s’intéresser à ce qu’il se passe dans le monde, à avoir des affinités politiques et une vision un peu plus globale de l’Histoire. Après je pense effectivement qu’il est nécessaire de présenter les choses avant. C’est indéniablement choquant comme visite.
Moi j’ai visité le camp de Dachau, près de Munich, au lycée aussi et je me souviens encore de la pesanteur qui se dégageait des lieux…
Et aujourd’hui je vois une autre des horreurs de cette guerre, avec la visite d’Hiroshima et de Nagasaki au Japon, les deux villes rasées par la bombe atomique en 45.
Merci d’avoir partagé cette visite.

smilingaroundtheworld
9 années il y a

Mêmes émotions pour moi à la visite de Sachsenhausen, près de Berlin.. J’étais plus âgée que toi, mais j’ai moi aussi été bouleversée par cette visite. J’y étais comme toi en hiver, et l’absence d’autres visiteurs couplée et le froid glacial et le ciel bas rajoutaient encore à l’atmosphère pesante… Je pense que ces visites sont indispensables pour comprendre la réalité de choses qui sinon peuvent paraître loin dans l’histoire. Après, à quel âge, c’est une vraie question… Le tout je pense est d’adapter la visite au public, et je trouve qu’effectivement votre prof aurait dû vous préparer un peu plus.
Je te donne le lien vers mon récit de ma journée à Sachsenhausen : http://smilingaroundtheworld.com/2013/02/26/j3-une-journee-a-sachsenhausen/

Marjorie Loup - Auteure Créatrice d

Bonjour Cécilia,

J’ai découvert ton blog grâce à ton commentaire sur Novo monde.

Je m’incruste ici car le sujet de cet article me parle : je pense que c’est une visite adaptée à des terminales : c’est un âge où on peut comprendre la réalité des choses, notamment historiques, et le fait d’être secoué, traumatisé, n’est peut-être pas si mauvais. Dans le sens, comme un électrochoc pour ne pas oublier. Car l’Humain oublie. Surtout si ça reste abstrait dans des livres ou même des films.
Peut-être que les profs auraient dû préparer ses élèves, ne serait-ce que pour le contexte. Après, en découvrant la réalité de l’horreur, c’est une autre affaire et qui concerne différemment chaque sensibilité.

Je n’ai jamais visité un tel camp, mais j’aimerais bien. A part le très prenant et magnifique film “La liste de Schindler”, je n’ai pas été imprégnée de tout ça. Je veux bien croire que l’énergie y est très plombante, très forte mais négativement. Comme à Hiroshima et Nagasaki.
Mon fils, qui a aujourd’hui 16 ans (en 1e), a visité il y a 2 ans un ancien camp, ce devait être Dachau car c’était vers Munich pour un voyage scolaire. Il ne m’a rien dit sur le fait d’être marqué, mais il est assez secret, et puis peut-être différent de toi ? En plus, si ça se trouve, c’était moins “impressionnant” qu’Auschwitz qui est, je crois, un des pires et des plus connus, des plus meurtriers. Même enfant, j’avais entendu parler d’Auschwitz, je ne sais plus dans quel contexte. C’est te dire…

Donc en conclusion, je pense que c’est très bien, même si on est traumatisé, de faire face à ces réalités historiques, ces horreurs humaines pas si lointaines. Il faut être conscient de notre passé, et vigilant sur notre présent. Je trouve toujours mieux que de faire l’autruche et de croire qu’on est avec les bisounours (penser que ces horreurs sont un lointain passé abstrait qui ne recommencera pas). Ce qui n’empêche pas de rester positif et de mordre la vie à pleines dents 🙂

Toolito
9 années il y a

Ah, justement, j’aurais aimé visiter Auschwitz à 17 ans ! Ça aurait au moins servi à prendre vraiment l’ampleur du lieu et “illustrer” le cours d’histoire qui va avec. J’y suis allé à 25 ans, et après avoir vu des films là dessus, lu des livres, des articles, vu des photos etc… je n’ai pas reçu cette claque, mais j’ai été cependant très ému par ce que j’y ai vu, notamment à l’intérieur des baraquements…

Lauriaorana
8 années il y a

Hello,

Mes grands parents paternels étaient polonais pure souche.
Ils ont été enfermés dans des camps de travail pendant plusieurs années. L’objectif premier n’était pas l’extermination, mais évidemment ça arrivait aussi. Ils n’étaient “même pas juifs”, et j’ai même appris récemment que mon grand-père était carrément antisémite (ce petit aparté juste pour démontrer encore un peu plus la débilité des nazis, même pas cohérents dans leur démarche).

Mes grands-parents sont sortis des camps à la libération, entre-temps mon oncle était né, ma grand-mère l’a caché bien des fois sous ses jupes pour qu’il échappe aux “douches”.
Mon père est né en France en 1954, mais de nationalité polonaise, le droit du sol n’existant pas à cette époque (mes grands-parents l’ont fait naturaliser assez rapidement).

Bref, en 2009, j’avais 21 ans, et je me suis rendue pour la première fois en Pologne avec mon père. Lui n’y était pas retourné depuis ses 10 ans. Nous nous y rendions pour un mariage au sein du seul petit bout de famille avec qui nous sommes toujours en contact.

Nous avons atterri à Cracovie, et avons décidé d’aller visiter Auschwitz avec mon père. Le reste de la famille (française comme polonaise) n’a pas voulu suivre. Peu importe, nous ressentions le besoin de nous y rendre, “le devoir de mémoire” comme on dit.

Nous sommes allés dans un premier temps à “Auschwitz 1”, là où il y a tous ces blocs et où des expositions ont été mises en place. Sur le coup, ça va peut-être choquer, mais je m’attendais à être dévastée et ça n’a pas du tout été le cas, pareil pour mon père. Nous visitions les lieux comme un musée, nous apprenions beaucoup de choses au sujet de ces tristes événements, bien sûr nous ressentions un certain malaise mais vraiment loin d’être aussi violent que ce que nous avions imaginé.
Ensuite, nous sommes allés à Auschwitz-Birkenau et là, pareil, on ne se rend pas bien compte : une seule rangée de baraquements reste debout, il ne reste que les cheminées des dizaines d’autres. Le site est tellement vaste et triste qu’on a dû mal à imaginer. On constate les conditions de vie des prisonniers, mais c’est tout.

Nous avons quitté Auschwitz, avons rejoint notre chambre d’hôtel, et c’est là que le choc est apparu. Avec quelques heures de recul, toute l’horreur que nous venions de visiter nous a frappé de plein fouet. Cette inscription “Arbecht macht frei”, ces tas de cheveux, ces tas de chaussures (et cette chaussure de géant, qui devait chausser au moins du 56…), ces produits de beauté, ces paires de lunettes, ces valises, ces jouets d’enfant, ces prothèses, ces photos d’expérimentations sur des enfants, ce mur des exécutions, ces fours, ces photos de prisonniers tout le long des couloirs (dont certains ont le même nom de famille que mon père et moi), ces rails qu’on a vu tant de fois dans des documentaires, ces fleurs déposées ça et là en mémoire d’un proche ayant perdu la vie dans cette horreur… Tout ça nous est remonté en pleine face, et ce n’était pas facile à vivre.
Mais nous étions contents d’y être allés, en mémoire de mes grands-parents et de ce qu’ils ont vécu même si ce n’était pas dans ce camp, et pour nous car nous en ressentions le besoin. Et aujourd’hui, je ne le regrette pas du tout.

Je pense que cette visite est une bonne chose, mais dans ton cas effectivement votre professeur aurait dû mieux vous renseigner, et insister sur le fait que si vous ne souhaitiez pas y aller, rien ne vous y obligeait.

Bref, tout ça pour dire que chacun réagit différemment à cette “visite”. Certains polonais s’y rendent, beaucoup y sont complètement opposés (dont ceux de ma famille), certains qui pensaient être dévastés ne le sont pas, certains qui pensaient y aller à la cool “juste comme ça” en reviennent complètement déboussolés, certains “étrangers” comme nous y vont et le vivent plus ou moins bien quel que soit leur âge et la proximité qu’ils ont avec les faits.

Voilà voilà j’ai bien raconté ma vie alors sur ce, bonne nuit 🙂

Mathieu, BlogVoyages
8 années il y a

Beau récit et belles photos. Je suis allé visiter Auschwitz il y a quelques années lors d’un séjour à Cracovie. La visite des camps est vraiment très impressionnante. Je la recommande fortement même si parfois les témoignages sont un peu dure à entendre.

Imane - Gustativement Parlant

Je suis touchée et bouleversée par ton article. J’en ai les larmes aux yeux car tout comme toi, j’ai été visité un camp de concentration lors d’un voyage scolaire. J’étais en 4ème mais je m’en souviens comme si c’était hier ! J’avais pleuré pendant toute la visite …
Je partage ton avis sur le fait que c’est une visite marquante lorsqu’on est jeune et insouciant. Cependant je pense que c’est important d’y aller pour mieux comprendre l’Histoire … regarder des films sur la Seconde Guerre Mondiale ou lire des livres comme le journal d’Anne Franck n’a pas le même impact …

Imane - Gustativement Parlant

J’ai été dans le camp de Dachau vers Munich !

Le sac à dos de Mel
Le sac à dos de Mel
7 années il y a

Mon mari et moi sommes partis en Pologne en septembre 2015, quelques jours à Varsovie puis direction Cracovie avec une journée à Auschwitz. Une visite que je n’oublierai jamais.
Je pense que ce genre de visites peut être adapté à des “jeunes” de 17 ans mais avec une préparation.
J’ai d’ailleurs dit à mon mari ce jour là que si nous avions un enfant, on y retournerai quand il serait un grand ado car ça permet de comprendre un peu mieux l’histoire (et de visualiser).
Rien à voir, quand nous y sommes allés on a fait la visite française bien sûr et franchement on est tombé sur des gens qui faisaient des selfies, aucun respect.

Merci pour ton article